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Requins à La Réunion

-une tragédie moderne-

The people who count sharks

"Les personnes qui comptent les requins" est un autre texte de H E Sawyer, (dont nous avons lu Shark attack ! a policy of truth, H.E. Sawyer) Ici, il est question de surpêche et de disparition des requins. Les informations complètent bien le sujet sur les  ONGE, que nous retrouvons d'ailleurs citées dans ce papier très instructif. De manière résumée, voici ce qu'il dit, et traduit en français (l'article original datant de 2013 n'est plus accessible) :

" Le nombre de requins tués par an dans le monde est estimé à 100 millions. Ce résultat a un tel cachet qu'il a même un surnom : The Magic Number ! Ce "nombre magique" est perpétuellement agité devant nos yeux par les conservationnistes. Alors, qu'en est-il ? Catastrophisme ou réalité alarmante ?

Les requins sont menacés, bien sûr, mais moins que d'autres poissons, qui n'ont pas la chance d'être des prédateurs défendus par des célébrités ou des scientifiques. La protection des requins  est commercialisée, comme Coca-Cola.

Dans le monde de la plongée, les conservationnistes sont comme les témoins de Jehovah : Vous ne pourrez pas dire que vous n'avez pas entendu la Vérité.

Mais, alors si nous sommes les bons gars, une sorte de force spéciale écologique, dans nos combinaisons néoprène, qui sont les mauvais ?

 Le croque mitaine est l'Asie dans ce qui est devenu la "grande guerre pélagique du 3ème millénaire", alors qu'en vérité le Royaume Uni, l'Europe, le Monde pêchent pour le marché asiatique comme s'il n'y avait pas de lendemain.

Stephen Fry, "trésor national",  présentateur sur BBC et conservationniste passionné, a fait passer le nombre de 100 millions de requins tués par an à 120 millions lors d'une émission télé et sur Twitter, il a poussé jusqu'à 150 millions, en parlant de dévastation dûe au shark finning. Dans le Daily Telegraph, il a précisé : " 100 millions de requins sont tués dans le monde pour que leurs ailerons soient mangés lors de mariages." Il véhicule ainsi des idées fausses et perpétue le mythe urbain.

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En mars 2010 a eu lieu, à Doha au Qatar, une conférence sur 2 semaines,  de la Convention on International Trade in Endangered Species, (CITES), pour déterminer quels statuts revoir sur les plantes et animaux en danger. C'est l'occasion pour les pays, ayant des intérêts à défendre, d'envoyer des délégations, qui utiliseront la "recherche scientifique" si elle les avantage et l'oublieront dans le cas contraire. Les arrangements d'arrière salle, aux accents de préjugés culturels, sont effectués sous forme de promesse d'aides et subventions aux pays pauvres et orientent les votes.

 Pour les 8 espèces de requins listées aucune proposition de révision n'a été faite, mais le poisson-scie a été ajouté à la liste pour une protection totale. En 30 ans, aucun des acteurs de la CITES n'a été capable d'ouvrir le "bocal" ; quelle ironie, alors que ce sont eux qui décident quoi y mettre !

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Un mois avant que le poisson-scie n'ait son heure de gloire, au Royaume-Uni, la Une titrait "le Grand Requin Blanc plus en danger que les tigres". Ces propos sont attribués à Dr Ronald O'Dor,  scientifique pour le Census of Marine Life at the Consortium for Oceanographic Research and Education. Les commentaires du docteur faisaient suite à une étude du Professeur Barbara Block, de la Stanford University, qui a marqué et pisté plus de 150 grands blancs. Ces notes étaient adressées à l' American Association for the Advancement of Science et étaient sensiblement différentes : "Les Grands Blancs sont au moins aussi en danger que les tigres".

 J'appelai Dr O'Dor pour clarification. Il me dit  :  "Je revenais tout juste d'Inde, où il y a un signe tous les 10 kilomètres qui dit combien de tigres sont vivants. Quelqu'un à l'AAAS m'a demandé : "Pourquoi devrions-nous nous soucier de savoir combien de requins sont tués ? Est-ce important ?"  Je répondis : Il y a peut-être moins de grands blancs dans le monde que de tigres. Est-ce  que cela a de l'importance ? Il s'avère que nous ne savons pas combien de grands blancs il y a dans le monde, mais nous savons que la reproduction est faible."

Piètre consolation pour les tigres qui ont failli se voir dans la file d'attente en quête de titre ! En fait, quelques semaines auparavant le World Wild Fund for nature avait dressé une liste mettant le tigre en tête des espèces menacées.

Malgré cela, les chargés de relations pro-requins envoyèrent l'information autour du monde. Six semaines après, Mike Rutzen, expert en grands requins blancs et conservationniste d'Afrique du Sud, relatait le fait à son public du London International Dive Show.

Alors, pourquoi devrions-nous nous soucier du nombre de requins tués ?

Afin d'obtenir des réponses, j'ai lu "Patterns and Ecosystem Consequences of Shark Declines in the Ocean", " Modèles et conséquences sur l'écosystème du déclin des requins dans l'océan" de Boris Worm, de la Dalhousie University, Nova Scotia.

Cette lecture est fascinante et montre comment les scientifiques tentent de synthétiser le rôle écologique des requins. Que se passe-t-il dans la chaîne alimentaire quand la population de requins diminue ? Cette cascade trophique suggère que si les plus grandes espèces disparaissent, des plus petits requins ou des raies prolifèrent. Cependant dans un des scenarios, on a vu une population de raies trop importante décîmer ses proies naturelles, les coquilles Saint-Jacques.

Le prélèvement de requins tigres a même eu un effet sur la composition du paysage sous-marin. Sans leur prédateur, les tortues vertes et les dugongs s'épanouissent.

Mais, Dr Worm a quelques bonnes nouvelles pour les requins : à l'échelle mondiale, 4,1% sont en danger, 2,4% le sont de façon critique et la baisse du nombre de requins ne s'applique pas à toutes les espèces. Dans le Pacifique nord par exemple, les requins peau bleue ont augmenté leur nombre de 20% par rapport aux années 70', faisant de cette espèce une des plus abondantes.

Il y a quelques bonnes nouvelles pour nous aussi, parce que le Dr Worm prévoit que la baisse du nombre de requins aura un effet plus dramatique sur des systèmes côtiers que sur des systèmes pélagiques. Ce qui signifie que nous aurons la possibilté de détecter les signaux d'alerte. Dire que quelqu'un le fera est une autre histoire !

Les mauvaises nouvelles concernent le déclin des requins partout où il y a présence humaine. Nous sommes manifestement leur problème et ils sont en train de devoir s'y habituer.

Une protégée du Dr Worm, Christine Ward-Paige, effectue des recensements visuels sous-marins, séparés en deux méthodes distinctes : la première, avec un plongeur mobile étudiant une coupe transversale,  comptant les requins d'un point  à  un autre et la seconde, fixe avec un plongeur qui attend et compte les requins dans un périmètre.

Si les scientifiques font de tels comptages, avec interdiction de nourrissage,  c'est qu'ils s'attendent à rencontrer des populations saines, au moins dans certains endroits.

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 Pour mesurer l'impact du commerce sur la population mondiale de requins, Shelley Clarke a pesé et mesuré les nageoires séchées et selon une méthode scientifique recevable converti ses résultats en prises totales. Ses résultats, allant de 26 à 73 millions de requins tués par an, sont 3 fois supérieurs à ceux de la Fisheries Observer Agency, mais inférieurs au Magic Number.

"Quand mes évaluations ont été communiquées, j'ai naïvement cru qu'elles remplaceraient le Magic Number. Si mes résultats avaient été supérieurs à 100 millions, je pense, que les ONG les auraient utilisés", commente Shelley Clarke

Elle ajoute dans cet article : https://raptureofthedeep.org/shelley-clarke-where-are-we-getting-our-statistics-on-annual-shark-kills-e92bbca8950f

“In 2011, with many conservation organizations escalating their campaigns and rhetoric against the shark fin trade, there are few news articles, web sites or blogs that don’t mention the millions of sharks killed each year. But I almost never see any reference to the 38 million, which was after all, my best estimate. Frequently I see “73 million” without any reference to this being my highest estimate, and almost as often I see “100 million,” an estimate that was published in Time magazine in 1997 but for which I can find no scientific basis.”

“Selective and slanted use of information devalues and marginalizes researchers who are working hard to impartially present the data.”

Even more troubling, some sources quote these figures as “the number of sharks killed for their fins”, or “the number of sharks finned” (carcasses discarded at sea), or the “number of sharks finned alive” every year. The truth is that no one knows how many sharks are killed for their fins, how many have their carcasses dumped at sea, or how many sharks are alive when finned. We simply don’t have that information, nor do we know whether these numbers have been sustained every year since 2000.” (Source: Shelley Clarke: “Examining Scientific Integrity In the Global Shark Fin Trade”)

Bien que les données de Shelley Clarke soient les plus actualisées et plus fiables, qu'elles soient reconnues dans le monde des conservationnistes, elles sont aussi ignorées par certains groupes qui refusent de reconsidérer les chiffres et qui, pire encore, véhiculent la désinformation.

 

La majorité des requins n'est pas tuée pour ses nageoires, nous apprend l'IUCN, the International Union for Conservation of Nature. 57,9% des requins pêchés le sont lors de prises accidentelles avec d'autres espèces, alors que 31,7%, soit presque la  moitié moins, sont pêchés intentionnellement pour la commercialisation.

Ceci n'est pas véhiculé par les conservationnistes, car ils ne veulent pas que l'on sache. Quand j'ai posté l'info de l'IUCN sur La page Facebook de Shark Savers, mon message a été effacé.

La croisade contre le shark-finning a caché la réalité des pêches accidentelles de requins. Ces pêches accidentelles nous impliquent tous et pas seulement les Chinois. Les pays asiatiques ont les plus grandes flottilles de pêche et l'argument du shark-finning est sûrement mieux exploitable par les défenseurs des requins que la prise accidentelle.

La publication du Magic Number remonte à 1997 dans les colonnes du Time. Si l'on considère que depuis, il y a au moins 100 millions de requins tués par an, avec des âges de mâturité sexuelle allant de 6 à 18 ans, cela peut donner un rendement annuel durable.

Si les 100 millions pêchés par an avaient un dramatique impact sur les populations comme les conservationnistes le prétendent, il serait logique d'attendre qu'il soit impossible de maintenir numériquement et commercialement le Magic Number pendant toute cette période. Il semblerait que l'argument du Magic Number soit voué à l'échec. Alors, les défenseurs de requins crieraient-ils au loup ?