Voici un communiqué qui résume le sentiment de l'auteur après le drame du 30 janvier 2019 (Photo Imaz Press)
Aujourd’hui la Réunion est en deuil avec cette nouvelle attaque mortelle de requin.
Elle rappelle que c’est l’ensemble des Réunionnais qui est concerné.
Cette attaque, comme beaucoup d’autres, aurait pu être évitée si l’état avait pris la pleine mesure de la gravité de la situation. Mais les autorités préfèrent continuer de jouer aux requins et dépensent des millions d’euros dans des expérimentations et des gadgets. Jusqu'à quand les Réunionnais vont-ils servir de cobayes et de martyrs ?
Où sont les scientifiques qui venaient dans les journaux télévisés pour expliquer qu’il s’agit d’un problème de comportement de surfeurs (métropolitains) ressemblant à des tortues ? Eux qui nous assuraient que le danger était « après 14 h » et en « hiver » ?
Lorsqu’en 2011, les Seychelles ont connu 2 attaques mortelles, le gouvernement a fait appel aux petits pêcheurs. Depuis 2011 il n’y a plus jamais eu de problèmes aux Seychelles. L’île Maurice voisine est épargnée car la pêche traditionnelle est quotidienne tout autour de l’île, et constitue une menace qui maintient à bonne distance les prédateurs.
Ici on nous refuse toujours la pêche traditionnelle et la commercialisation. A travers la réglementation de la Réserve Marine, on continue de nous imposer une cohabitation forcée au nom d’une approche « moderne » de la biodiversité.
Tant que les autorités refuseront ces nécessaires évolutions, La Réunion demeurera en « crise requin » et y laissera tout son potentiel économique, sa réputation, son avenir.
Pas plus loin qu’hier, la ministre de l’outre-mer sur ce sujet a exprimé son mépris envers la population réunionnaise en affirmant que le problème était « bien géré », puisque selon elle il y a une offre d’accès à l’océan suffisante avec des espaces « surveillés ou protégés ».
C’est faux, et si aujourd’hui c’est la communauté des pêcheurs qui est meurtrie, demain ce sera à nouveau celle des baigneurs ou des pratiquants nautiques, les plus exposés.
Il n’existe pas d’espaces « protégés » ou « surveillés » dignes de ce nom à l’île de la Réunion.
Les petits filets de baignade n’ont eu que quatre jours d’ouverture à Boucan Canot pour le mois de janvier 2019, période de vacances et de fortes chaleurs
Les futurs projets de "grands" filets sont totalement hasardeux car ils se confronteront au même problème que ceux qui ont été expérimentés en 2016 : sans aucune menace dans leur périmètre immédiat, les prédateurs risquent de pénétrer pour chercher à manger dedans, comme ils l’ont fait précédemment.
Le petit bassin de baignade de Boucan Canot livré en septembre 2017 présente une mauvaise conception et se retrouve souvent insalubre ou impraticable lorsqu’il y a des vagues.
Les vigies requin, vitrine de la politique publique, sont confrontés aux mêmes difficultés que les filets, et n’auront d’ailleurs fonctionné normalement que trois jours pour tout le mois de janvier 2019, et pour une poignée de licenciés. C’est ça le vrai bilan de l’offre d’accès à l’océan pour 800 000 Réunionnais, un bilan honteux qui est caché par les institutions.
La pêche ne peut toujours pas en 2019 être mis en œuvre dans les zones de niveau 2 de la réserve marine qui a pourtant phagocyté la totalité de nos plages populaires. Nous attendons toujours depuis 2011, le renfort de la pêche traditionnelle et de plaisance, car l’effort de pêche officielle reste bien en deçà des capacités de reproduction de ces prédateurs.
Cette offre dérisoire a pour conséquence de conduire de plus en plus de personnes à braver l’interdiction d’activité qui, dans une île tropicale, ne sera jamais une solution.
S’il y avait une offre suffisante, ce qu’on est en droit d’attendre après 8 années de crise et 10 millions € dépensés, il n’y aurait pas autant de monde pour braver l’interdiction.
Faut-il attendre maintenant que ce soit un baigneur dans le lagon ou un plongeur en bouteille pour que l’on sorte de la « gestion », et que l’on passe enfin à la résolution ?
Nous ne demandons pas un risque zéro, mais nous demandons de mettre enfin toutes les chances de notre côté, du côté de l’humain.
Jean François Nativel